l est courant de constater que certains individus, par ignorance ou par malveillance, tenteraient de dépeindre les Berbères, ou les Maghrébins en général, comme un peuple d'éternels vaincus, ce discours étant particulièrement répandu parmi certains groupes afrocentristes ou panarabistes. C'est une image qui fut façonnée et renforcée par diverses forces au fil du temps et qui continue malheureusement d'être perpétuée aujourd'hui.
La Propagande Coloniale
Il est essentiel de comprendre que ces schémas de propagande ont été utilisés pour légitimer la colonisation des pays du Maghreb au siècle dernier. Les colonialistes, voulant faire passer les Maghrébins pour un peuple constamment dominé afin de justifier leur colonisation, ont eu recours à cette image pour renforcer leur emprise et pour marginaliser et opprimer les peuples indigènes.
Les diverses invasions étrangères sur le sol du Maghreb et leurs contextes seront abordés ici. Ces invasions sont souvent sujettes à des mythes et sont utilisées à des fins néfastes par divers groupes encore aujourd'hui, rendant donc crucial leur démystification et le rétablissement des vérités les concernant. Ce n’est qu’en faisant ainsi que nous pouvons comprendre la véritable nature de ces invasions et leur impact sur la région tant démographiquement qu’en terme d’identité.
L'Antiquité
Nous commencerons par aborder l'Antiquité en listant les étrangers ou envahisseurs qui s’installèrent au Maghreb au fil du temps, leur influence et le contexte. C'est une période riche en événements et en changements qui ont grandement contribué à façonner le Maghreb tel que nous le connaissons aujourd'hui.
Quelques notions de base
Avant de plonger plus profondément dans le sujet, il est important de comprendre quelques notions de base. Tout d'abord, le terme "Libyens" désigne les Berbères de l'Antiquité, comme le rappelle l'historien Samir Aounallah. De même, le terme "Berbérie" est souvent utilisé académiquement pour désigner la région de peuplement des Berbères, un territoire d'environ 7 millions de km².
Terme de base : Libyen
Le libyque : Langue des Libyens, appelés aussi Berbères ou Amazighs, le libyque, encore imparfaitement connu des spécialistes malgré les progrès accomplis depuis la découverte, notamment à Dougga, des fameuses inscriptions bilingues libyco-puniques, est une langue exclusivement consonantique et, de ce fait, se prête mal à une reconstitution intégrale et est imprononçable par des étrangers.
Terme de base : Berbérie
Le Maghreb, l'Afrique du Nord ou encore la Berbérie sont des appellations modernes dont les équivalents anciens étaient Libué, pays des Libou, la Libye des Grecs (à ne pas confondre avec la Libye actuelle), et l'Africa, pays des Afri, l'Afrique des Latins, mot qui semble dériver directement d'Africus, un vent « qui vomit des flammes (Corripe, Joh. 7.322) » et en quoi il faut voir notre sirocco/chehili.
L'Antiquité Tunisienne : Samir Aounallah, p.28, p.43
Il est également important de noter que, bien que la majorité des Berbères/Maghrébins vivent aujourd'hui vers le littoral du Maghreb, plus on remonte dans le temps, plus la population est répartie de façon un peu plus équilibrée.
Due à la superficie de leur vaste région et à divers facteurs ethniques, les Berbères étaient un peuple quasiment impossible à fédérer dans son ensemble. Les Berbères vivaient en tribus éparpillées lorsqu'ils n'étaient pas fédérés par un état ou une chefferie.
Le Moyen-Âge
Abordons maintenant une ère historique marquante du Maghreb : le Moyen-Âge. Les événements de cette époque ont eu des répercussions durables sur le présent et suscitent encore aujourd'hui de vives discussions. Dans ce contexte, notre objectif est d'examiner, de manière concise et objective, les différentes invasions et conquêtes ayant eu lieu au Maghreb et d'évaluer leur impact sur le peuplement et l'évolution de la région.
Les Rachidounes : conquête islamique du Maghreb
L'événement qui a sans doute le plus façonné le destin du Maghreb est la conquête islamique de la région. Celle-ci a été menée par les Rachidounes, la première dynastie califale de l'Islam, et a suivi la conquête islamique de l'Égypte.
Cette conquête a lieu en l'an 27 de l'Hégire (647 EC) et marque un tournant pour le Maghreb. En effet, c'est à partir de cette période que les tribus berbères ont commencé à se convertir à l'Islam.
L'opposition et les arrangements
Il est intéressant de noter que l'omniprésent Omar Ibn al-Khattab s'opposait à cette conquête pour des raisons qui ne sont pas toujours clairement définies par les auteurs médiévaux. Cependant, la conquête a eu lieu car la majorité des compagnons y étaient favorables.
Le khalife Othman, ayant conçu le projet de subjuguer ce pays, consulta les compagnons de Muhammad, qui furent d'avis qu'il fallait y envoyer une armée, un seul d'entre eux, Abou 'I-Aawer Saïd ibn Yézid. en exprima sa désapprobation et répondit à Othman, qui lui demandait la raison de son dissentiment, qu'il avait entendu le khalife Omar ibn el-Khattab dire ces paroles :
« Aucun musulman n'y fera une expédition tant que je vivrai. »
Et qu'il ne lui conseillerait jamais une démarche qui serait en opposition avec la déclaration d'Omar. L'affaire en resta là pendant quelque temps, mais Othman fit alors venir Zeid ibn Thabit et Mohammed ibn Moslema pour leur demander leur avis, et comme ils lui conseillèrent d'y envoyer une armée, il appela les musulmans à la guerre sainte.
Othman fournit à ses frais mille chameaux pour servir de montures aux musulmans pauvres; il donna aussi des chevaux pour le même objet, ensuite il distribua des armes aux soldats, et il leur accorda une gratification : ceci se passait au mois de moharrem de l'année 27 de l'hégire (octobre 647 de J. C). Othman monta alors en chaire et exhorta les troupes à combattre pour la cause de Dieu, il leur dit ensuite : J'ai mis à votre tête El-Harith ibn el- Hakem qui vous conduira auprès d'Abd Allah ibn Saad, lequel prendra alors
le commandement, et maintenant je vous recommande à la garde de Dieu !
L'armée, étant arrivée en Égypte, fut renforcée par un corps considérable qu'Abd Allah ibn Saad avait rassemblé, et le nombre des combattants se trouva ainsi porté à vingt mille. Ibn Saad nomma alors Okba ibn Nafi son lieutenant en Egypte, et se mit en route lui-même avec les troupes.
Al-Nowaïri (Histoire de la province d'Afrique et du Maghreb)
Un exemple de ces arrangements est la nomination d'Ouzemar, un Berbère chef des Maghraouas, en tant que gouverneur de son peuple par le Calife Othman.
Au nombre de ceux-ci se trouva Ouezmar-Ibn-Saclab. l'ancêtre de la famille Khazer, et qui était alors chef des Maghraoua et des autres peuples zenatiens. Le khalife Othman-Ibn-Affan, à qui on l'envoya, reçut sa profession d'islamisme et le traita avec une grande bienveillance. Il lui accorda non-seulement la liberté, mais aussi le commandement en chef des Maghraoua. D'autres historiens rapportent que Ouezmar se rendit auprès d'Othman en qualité d'ambassadeur. Les musulmans prodiguèrent aux chefs berbères des honneurs tels qu'ils n'accordaient ni aux Franes, ni aux autres nations.
Ibn Khaldoun (Histoire des Berbères : Tome I)
L'histoire nous rappelle également Ikrima al-Barbari, un Berbère considéré comme l'un des principaux Tabi'in et jurisconsulte de La Mecque. Ces faits illustrent la nature dynamique des relations entre les Berbères et les Arabes à cette époque.
Abû Abd Allah Ikrima Ibn Abdallah, un mawla d Abd
Allah Ibn Abas, tire son origine des Berbères du Maghreb. Il était l'un des principaux tâbis et jurisconsulte de La Mecque, (mais) il se déplaçait constamment d'une ville à l'autre […]
Ikrima mourut en 107 (725-6 EC).
Ibn Khallikân (Kitab Wafavat Ala'van : Volume II)
Le contexte géopolitique
Durant cette période, le Maghreb est divisé entre possessions byzantines et royaumes berbères. Les Rachidounes vont surtout se préoccuper des possessions byzantines. Après un temps de paix relative, la Grande Fitna apparaît, freinant temporairement l'évolution de la situation.
Conséquences et transition vers l'ère des Omeyyades
C'est donc à partir de cette période, marquée par les Rachidounes, que des Berbères du Maghreb commencent à se convertir à l'Islam. La période des Omeyyades succède à celle des Rachidounes, marquant une nouvelle ère pour le Maghreb.
De là ils envoyèrent à Ibn Saad pour lui offrir trois cents kintars d'or, à condition qu'il ferait cesser les hostilités et qu'il évacuerait le pays; après avoir fait quelques difficultés, il accéda à cette proposition. Suivant un autre récit, il leur accorda la paix moyennant une somme de deux millions cinq cent mille dinars qu'on lui compta, et une des conditions du traité portait que les musulmans garderaient tout le butin qu'ils avaient fait pendant la guerre, mais qu'ils rendraient ce qu'ils avaient enlevé depuis le commencement des pourparlers.
[…] Ensuite eurent lieu l'assassinat d'Othman et les contestations entre Ali et Moawia. Quand l'autorité de ce dernier fut solidement établie, il confia le gouvernement de la province d'Afrique à Moawia ibn Khodeidj.
Al-Nowaïri (Histoire de la province d'Afrique et du Maghreb)
L'ère des Omeyyades : extension, conflits et révolte
L'expansion vers l'Ouest
La dynastie des Omeyyades a succédé aux Rachidounes dans la conquête du Maghreb. Ils ont continué leur expansion vers l'Ouest, mettant environ un demi-siècle pour conquérir le reste du Maghreb.
Dès le début de leur règne, les Omeyyades, avec Oqba Ibn Nafi à leur tête, s'appuyaient en partie sur les Berbères convertis pour poursuivre la conquête du Maghreb. Cette stratégie témoigne à la fois de l'importance des Berbères dans la conquête et de leur prépondérance déjà à l'époque des Rachidounes.
En l'an 50 (670 EC), Moawia ibn Abi Sofyan envoya en Afrique Okba ibn Nafi de la tribu de Fihr, lequel était resté Barka et Zewila pendant qu'Amr ibn el-Aasi était gouverneur (de l'Égypte). Okba rassembla alors les Berbères prosélytes, et les incorpora dans l'armée que Moavia venait de lui envoyer, et dans laquelle se trouvaient dix mille cavaliers musulmans. Il marcha aussitôt contre l'Afrique, et, y ayant pénétré, il passa tout au fil de l’épée et extermina les chrétiens qui y restaient."
Al-Nowaïri (Histoire de la province d'Afrique et du Maghreb)
Les conflits internes
Les premiers conflits entre les Omeyyades et les Berbères ont éclaté avec un différend entre Oqba et le Berbère Koceïla.
Koseila était l'un des hommes principaux parmi les Berbères. Devenu musulman pendant le gouvernement d'Abou'l-Mohadjir, il fut si sincère dans sa conversion, que celui-ci en parla à Okba qui venait d'arriver, et l'instruisit de la grande influence et autorité que Koseila exerçait sur les Berbères. Okba ne fit aucune attention à cette recommandation; au contraire, il ne témoigna pour Koseila que de l'indifférence et du
mépris.
Al-Nowaïri (Histoire de la province d'Afrique et du Maghreb)
Cela a atteint un point de non-retour lorsqu'une offense d'Oqba a poussé Koceïla à fuir et à finalement tuer Oqba. Les Omeyyades, en revanche, ont réagi en tuant Koceïla.
Après la mort de Koceïla, les Omeyyades ont affronté une devineresse nommée Dihya en Ifriqiya. Les Berbères qui étaient dans le camp de Koceïla passèrent sous le camp de Dihya (ou la Kahina) à la mort de celui-ci. Cependant, après une longue bataille, Dihya sera tuée à son tour.
Ayant rejoint la Kahina, Hassan lui livra bataille, on se battit avec acharnement, et le carnage fut si grand que tous s attendaient à être exterminés, mais Dieu vint au secours des musulmans, et les Berbères
furent mis en déroute, après avoir éprouvé des pertes énormes. La Kahina fut atteinte et tuée pendant qu'elle s'enfuyait. Les Berbères demandèrent grâce à Hassan, et obtinrent leur pardon à la condition de fournir aux musulmans un corps auxiliaire de douze mille hommes, qui furent aussitôt mis, par Hassan, sous les ordres des deux fils de la Kahina. Dès cette époque, l'islam se propagea parmi les Berbères, et la guerre étant ainsi terminée, Hassan revint à Kairewan, après avoir rétabli heureusement les affaires de la province.
Al-Nowaïri (Histoire de la province d'Afrique et du Maghreb)
L'intégration des Berbères
Suite à la mort de Dihya, 12000 Berbères rejoindront les troupes Omeyyades dirigées par ses deux fils. Ce chiffre est significatif car il dépasse le nombre de troupes envoyées d'Orient à Oqba au début de la conquête. C’est après cette bataille que les Omeyyades atteindront Tanger et entameront ainsi la conquête de l'Andalousie.
Les hauts et les bas du règne omeyyade
Le règne des Omeyyades a été marqué par des périodes de stabilité et de progrès, mais aussi par des tensions et des conflits. Bien que la situation se verra s’améliorer au Maghreb sous le règne d'Omar II, ses efforts pour renforcer la cohésion de l'Empire Omeyyade seront en vain par conséquence de son éventuel assassinat.
Quand Omar ibn Abd el-Aziz devint khalife, il nomma Ismail administrateur de la province d'Afrique. Ce fut un excellent gouverneur, il fit un appel aux Berbères qui n'avaient pas encore embrassé l'islam, et ils se convertirent, de sorte que cette religion prévalut dans tout le Maghreb. Il gouvernait encore l'Afrique en l'an 101 (720 EC), époque à laquelle il fut destitué par Yézid ibn Abd el-Melik, successeur d'Omar ibn Abd el-Aziz. Il fut remplacé par Yézid ibn Abi Moslim.
Al-Nowaïri (Histoire de la province d'Afrique et du Maghreb)
C’est son successeur qui finira par déclencher la Grande Révolte Berbère en mettant en place des gouverneurs tyranniques et antiberbères, provoquant la colère des sujets Berbères de l’empire.
Parmi les premières tensions qui mèneront à la Grande Révolte Berbère, on peut citer celle entre les Berbères d'Ifriqiya et ce nouveau gouverneur, Yazid, mis en place.
Yezid arriva en Ifriqiya en l'an 102 (720-721 de J.-C). Il voulait imiter en ce pays la conduite qu'El-Haddjadj avait tenue envers les musulmans du Souad (la Babylonie) qui descendaient d'ancêtres tributaires : El-Haddjadi l'envoyait dans leurs villages pour les obliger à payer la capitation comme ils le faisaient avant leur conversion à l'islamisme. Yezid avait pris la résolution de suivre le même système dans l'Ifrigiva, mais les habitants, d'un commun accord, lui ôtèrent la vie et se mirent de nouveau sous les ordres de leur ancien gouverneur, Mohammed-Ibn-Yezid.
Ibn Khaldoun (Histoire des Berbères : Tome I)
Yazid va vouloir humilier les Berbères d'Ifriqiya comme il avait humilié les habitants du Souad.Mais l'Ifriqiya n'est pas le Souad, les Berbères le tueront.
La situation a très vite été désamorcée en Ifriqiya car le Calife approuvera la mort de Yazid suite à une lettre des Berbères envoyée à celui-ci
Ils écrivirent alors au khalife Yezìd-Ibn-Abd-el-Melek pour lui déclarer qu'ils n'avaient pas renoncé à leur fidélité, mais que Yezid-Ibn-Abi-Moslem les avait traités d'une manière outrageante devant Dieu et les musulmans, et qu'ils venaient de se remettre sous l'autorité de leur ancien gouverneur. Le khalife leur fit une réponse par laquelle il désapprouva la conduite d'Ibn-Abi-Moslem et confirma le choix qu’ils avaient fait de Mohammed-Ibn-Yezid.
Ibn Khaldoun (Histoire des Berbères : Tome I)
Quelques années plus tard, au Maghreb, la politique omeyyade ne s'améliorera toujours pas. Les gouverneurs mis en place se comporteront en tyrans contre les Berbères, de l'aveu même des sources assez pro-omeyyade.
Obeid-Allah-Ibn-el-Habhâb, nommé gouverneur de l'Ifrigiva par Hicham- Ibn-el-Mélek, partit de l'Egypte selon l'ordre de ce khalife, et étant arrivé à sa destination en l'an 114 (732-3), il donna le commandement de Tanger et du Maghreb-el-Acsa à Omar Ibn-Abd-Allah-el-Moradi. Il désigna aussi son propre fils, Ismail, pour gouverner le Sous et les régions qui s'étendent au delà de cette province. L'administration de ces deux fonctionnaires se prolongea et devint si oppressive que les populations berbères finirent par la prendre en détestation. Ils obligèrent ce peuple à fournir des prestations composées de belles esclaves berbères, de toisons jaunes et des produits du Maghreb les plus rares; ils poussèrent même leurs exigences si loin qu'on était souvent obligé de tuer tout un troupeau de brebis pour avoir un ou deux foetus dont la laine était de
la couleur voulue.
Ibn Khaldoun (Histoire des Berbères : Tome I)
On notera par exemple le fait qu'on ordonnait aux habitants d'abattre tout leur troupeau, surtout les femelles en gestation.Pourquoi ? Pour récupérer un ou deux fœtus, car la laine des fœtus était très appréciée chez la noblesse omeyyade d'Orient.On glisse vers le diabolique.
Al Nowaïri dira du gouverneur de Tanger à cette époque:
Obeid Allah Ibn el-Habhab, mewla de la tribu de Seloul, occupait une place éminente dans l'administration civile, s'exprimait avec élégance et savait par cœur la poésie des Arabes du désert, l'histoire de leurs journées célébrées et les récits de leurs combats. […]
Il confia le commandement de Tanger et ses dépendances à Omar Ibn Abd Allah el-Moradi; mais celui-ci se conduisit avec injustice et commit des illégalités dans la perception de la dime aumonière et la répartition du butin. Il voulait prélever le quint sur les biens des Berbères, sous prétexte que les propriétés de ce peuple étaient un butin acquis aux musulmans, chose qu'aucun alim avant lui n'avait osé faire, ce fut seulement sur ceux d'entre eux qui refusèrent d'adopter l'islam que les gouverneurs imposaient ce tribut.
Cette conduite porta les Berbères de Tanger à la révolte, et ils se mirent tous en insurrection contre lui, en l'année 122 (739-40 de EC). Ce fut la première fois que, dans la province d'Afrique, des troubles éclatèrent au sein de l'islam.
Al-Nowaïri (Histoire de la province d'Afrique et du Maghreb)
Maysara, précurseur de la Grande Révolte Berbère, envoya une députation à Hicham, roi omeyyade de cette époque, pour se plaindre de la situation de son peuple.Sa députation sera ignorée. Décision fatale.
La Grande Révolte Berbère
Le traitement injuste des Berbères par les gouverneurs omeyyades a finalement conduit à la Grande Révolte Berbère. Les Berbères, fatigués des humiliations et de l'exploitation, se sont révoltés contre les gouverneurs omeyyades, tuant Omar, le gouverneur omeyyade de Tanger, et Ismail, l'émir omeyyade de la région du Souss. Les troupes omeyyades de Kairouan ont tenté d'étouffer la révolte, mais en vain.
Ces actes d'oppression et de tyrannie étant enfin devenus insupportables, les Berbères cédèrent aux instigations de Meicera, et, en l'an 122 (740), ils tuèrent Omar-Ibn-Abd-Allah, gouverneur de Tanger [...] Meicera se rendit ensuite dans le Sous et fit mourir Ismaîl-Ibn-Obeid-Allah, émir de cette province.
Le feu de la révolte se propagea aussitôt dans tout le Maghreb et à un tel point que les khalifes de l'Orient ne purent plus y faire respecter leur autorité. Ibn-el-Habhâb sortit de Kairouan pour livrer bataille au rebelle, mais son avant-garde, commandée par Khaled-Ibn-Habib-el-Fihri, fut mise en déroute et ce général perdit la vie.
Ibn Khaldoun (Histoire des Berbères : Tome I)
La nouvelle de cette révolte s'est répandue jusqu'en Andalousie, provoquant une rébellion des Berbères dans cette région également.
Le calife Hicham, dans sa tentative de contrôle sur le Maghreb, avait envoyé une force impressionnante de 12 000 soldats de la milice syrienne pour combattre Maysara, un leader local. Kolthoum, un autre leader syrien, avait également été mobilisé avec sa troupe pour s'opposer aux insurgés berbères.
À la nouvelle de cette victoire, les Berbères qui se trouvaient en Espagne déposèrent leur gouverneur, Ocba-Ibn-el-Haddjadj-es-Selouli, et se donnèrent pour chef Abd-el-Mélek-Ibn-Calen-el-Fihri. Ce bouleversement décida le khalife Hicham-Ibn-Abd-el-Mélek à envoyer en Afrique douze mille soldats de la milice syrienne et à remplacer Ibn-el-Habhâb par Kolthoum-Ibn- Eiad-el-Cocheiri auquel il confia aussi le commandement de cette expédition.
Ibn Khaldoun (Histoire des Berbères : Tome I)
Cependant, les troupes omeyyades furent mises en déroute par les Berbères. Il est à noter que pendant toute la durée de vie de Maysara, les califes n'ont exercé aucune autorité sur le Maghreb.
Un rebondissement survint peu de temps après avec la déposition de Maysara par les Berbères eux-mêmes suite à un conflit interne. Le leadership de la révolte fut alors repris par Khalid al-Zenati. Ce dernier se retrouva face aux Omeyyades dans ce que l'histoire retiendra plus tard comme "La Bataille des Nobles". Contre toute attente, Khalid al-Zenati sortit vainqueur.
Répercussions des Batailles
L'historien al-Nowaïri rapporte que suite à cette bataille, le roi Hicham exprima une grande colère. Il fit la promesse de mettre fin aux Berbères et décida d'envoyer une armée massive au Maghreb.
En apprenant ce malheur, Hischam ibn Abd el-Melik s'écria : « Par Allah ! Je me fâcherai contre eux de la colère d'un Arabe ! Je leur enverrai une armée telle qu'ils n'en virent jamais dans leur pays, la tête de la colonne sera chez eux pendant que la queue en sera encore chez moi. Je ne laisserai point de château berbère sans établir à côté un camp de guerriers de la tribu de Keis ou de celle de Temim. »
Il envoya alors à Obeid Allah Ibn el-Habhâb une lettre de rappel.
Al-Nowaïri (Histoire de la province d'Afrique et du Maghreb)
Cette armée d'une échelle jamais vue fut pourtant détruite par les Berbères. Khalid al-Zenati, après cette victoire, disparut des chroniques et plus personne n'entendit parler de lui.
Son destin est certes incertain, mais son héritage est indéniable. Grâce à ses batailles, il brisa définitivement l'emprise des Omeyyades, le plus grand empire de son époque, sur le Maghreb Occidental et Central. Bien que les Omeyyades aient mis environ un demi-siècle à conquérir le Maghreb et qu'ils y aient régné pendant une durée équivalente, ils ont été vaincus en moins de 10 ans à cause d'une négligence trop prolongée et d'un revirement suprématiste antiberbère.
La Situation en Ifriqiya
Suite au retrait des Omeyyades du Maghreb Occidental et Central, une question demeure : qu'en est-il de l'Ifriqiya ? Cette région, où la situation s'était désamorcée initialement, restera sous contrôle Omeyyade. Les révoltes en Ifriqiya furent menées par d'autres chefs, se reposant cette fois en grande partie sur les Houaras. Ces dernières furent maîtrisées et vaincues par les Omeyyades durant la Bataille d'al-Qarn. Ainsi, l'Ifriqiya restera sous contrôle omeyyade, puis abbasside et enfin aghlabide avant de devenir réellement indépendant.
Les Révoltes Berbères Post-Omeyyades
Cependant, la situation en Ifriqiya ne s'est pas arrêtée là. Diverses révoltes berbères eurent encore lieu après la chute des Omeyyades. Comme celle des Werfadjjouma, qui s'emparèrent de Kairouan.
Les Werfadjjouma, devenus maîtres de Kairewan, livrèrent aux tortures les plus cruelles et à la mort les membres de la tribu de Koreisch qui y étaient restés. Ils logèrent leurs montures dans la grande mosquée même de la ville, et (par cette conduite scandaleuse) ils firent éprouver à leurs alliés de vifs regrets d'avoir coopéré à leurs succès. [...]
Al-Nowaïri (Histoire de la province d'Afrique et du Maghreb)
Suite à cette révolte, la branche de la famille Fihr s'éteignit. Cette révolte avait incité les Abbassides à envoyer des troupes en Ifriqiya. Cependant, les Werfadjjouma furent eux-mêmes massacrés par d'autres Berbères dirigés par Abou al-Khattab, et ces derniers affrontèrent ensuite les Abbassides. Abou al-Khattab et ses troupes vainquirent d'abord les Abbassides, mais un conflit interne éclata parmi eux. Les Abbassides profitèrent de cette situation et les vainquirent à leur tour. C'est ainsi que l'Émirat Aghlabide fut établi en Ifriqiya.
Peuplement du Maghreb
En parallèle, il est important de mentionner le peuplement du Maghreb, en particulier de l'Ifriqiya qui est restée sous contrôle Omeyyade puis Aghlabide. Selon al-Yaqubi, contemporain des Aghlabides, la grande majorité de l'Ifriqiya était composée de Berbères Musulmans berbérophones, voire parfois bilingues.
Les populations de l'Ifrigiya se composent d'Arabes, de Perses et d'autochtones composés de Berbères, Byzantins et Afriq. Les Berbères constituent la grande majorité de la population et parlent leur langue; ils sont groupés en tribus indépendantes les unes des autres. Les descendants de Byzantins constituent des îlots aux flancs des Aurès et dans la plaine de l'Ifriqiya. Les Afariq, population descendant des Berbères romanisés qui n'avaient pas encore embrassé l'Islam, résident dans les anciennes places fortes byzantines, et parlent un berbère latinisé.
Al-Yaqubi (Kitab al-Buldan)
Ils étaient regroupés en tribus indépendantes les unes des autres. Ceci est un point crucial à retenir pour la suite.
Le Passage de Témoin
Les Aghlabides ont régné sur l'Ifriqiya jusqu'en 909. À cette date, les Kutamas se sont révoltés contre eux et ont chassé le dernier souverain de cette dynastie qui s'est enfui en Orient. Cette révolution a détruit pour toujours l'empire des Arabes en Ifriqiya. Ainsi, le pouvoir au Maghreb est passé entre les mains des différentes tribus berbères.
Cette révolution détruisit pour toujours l'empire des Arabes en Ifriqiya et mit les Ketama en possession de l’autorité suprême. Les Berbères du Maghreb suivirent, plus tard, l'exemple de leurs voisins, et dès lors l'influence exercée par les Arabes en Ifriqiya et au Maghreb disparut pour toujours, avec le royaume qu'ils y avaient fondé. Le pouvoir passa entre les mains des Berbères et se maintint tantôt dans l'une de leurs tribus, tantôt dans l'autre.
Ibn Khaldoun (Histoire des Berbères : Tome I)
À ce stade de l'histoire, nous sommes dans un Maghreb Berbère, indépendant et resté d'essence islamique. Après le départ des Kutamas pour l'Orient, le Maghreb s'est partagé entre différentes tribus berbères.
Changement Majeur dans l'Histoire du Maghreb
Un événement majeur s'est alors déroulé. Les émirs berbères zirides et Hammadides (El-Moezz) ont affirmé leur attachement au sunnisme alors qu'initialement, ils étaient plutôt proches des fatimides ismaélites, une branche du chiisme. Ce choix a déclenché un événement très important dans l'histoire du Maghreb.
L'Invasion Hilalienne : L'Arrivée des Hilaliens
Les Hilaliens, pour la plupart originaires de la région arabique, étaient des nomades connus pour leur nature turbulente. Même les Abbassides, une des plus puissantes dynasties de l'époque, avaient des difficultés à les contrôler. Ce sont ces Hilaliens qui seront envoyés au Maghreb par les Fatimides dans le double objectif de porter atteinte au royaume d'El-Moezz et de mettre fin aux méfaits des Hilaliens dans leurs propres terres.
Premiers Contacts et Confrontations
La première rencontre entre les Hilaliens et El-Moezz fut étonnamment cordiale. Cependant, les choses ne se déroulèrent pas comme prévu. El-Moezz demanda à un leader Hilalien de rallier ses compatriotes à sa cause. Ces derniers, lors de leur arrivée, laissèrent une traînée de destruction derrière eux, comme si, malgré leurs premiers contacts amicaux, ils finirent par suivre le plan des Fatimides.
L'Établissement des Hilaliens
Les Hilaliens prirent d'abord possession des villes berbères d'Ifriqiya. Toutefois, ils en furent rapidement expulsés par les locaux et durent se replier dans les campagnes. Pendant près d'un siècle, les Hilaliens se déplacèrent dans l'Ifriqiya, leurs mouvements étant principalement motivés par la recherche de pâturages pour leurs troupeaux plutôt que par une volonté de conquête territoriale ou politique.
Relations avec les Almohades
Environ un siècle après leur invasion, les Almohades, un mouvement berbère, firent leur entrée en Ifriqiya. Au début, les Hilaliens leur prêtèrent allégeance, mais ils changèrent d'avis et s'opposèrent aux Almohades. Cela conduisit à la bataille de Sétif, durant laquelle les Almohades infligèrent de lourdes pertes aux Hilaliens. Suite à cette bataille, les Hilaliens reconnurent l'autorité des Almohades.
Initialement, les Hilaliens n'avaient pas l'intention de quitter l'Ifriqiya. Cependant, la situation les obligea à migrer vers le Maghreb Occidental et Central. Contrairement à leur arrivée en Ifriqiya, qui fut perçue comme une invasion, leur déplacement vers le Maghreb Occidental et Central fut plutôt considéré comme une déportation. Une partie d'entre eux fut envoyée à Tamesna et dans l'Azghar, régions actuellement situées au Maroc.
Le Rapport de Force entre Berbères et Hilaliens
Malgré leur nature turbulente, les Hilaliens n'étaient pas toujours victorieux. Les Rîah, considérés par plusieurs historiens comme la tribu arabe la plus puissante et la plus guerrière du Maghreb, furent notamment vaincus par les Banu Marin, une tribu Zénète. Cette défaite, couplée à d'autres conflits avec les Hafsides en Ifriqiya et les Mérinides au Maghreb Occidental, réduisit considérablement leur nombre et leur influence.
Néanmoins, il est important de noter que certains groupes Hilaliens ont réussi à obtenir un certain pouvoir, comme les Zoghba qui réussirent à imposer des impôts à toutes les tribus du Maghreb Central.
La complexité des rapports fiscaux au Maghreb
Il est crucial de noter que, au Maghreb, les impôts n'étaient pas uniquement destinés aux Berbères ou aux Arabes. Les Zoghba, par exemple, étaient soit dévoués soit amis des Zianides, et leurs territoires leur avaient été accordés par les Zianides.
L'influence de la politique fiscale
Il n'était pas rare que les Berbères imposent des impôts aux Arabes, outre les Almohades, Mérinides, etc. On peut notamment citer les Toudjîn qui vont soumettre aux impôts les Hosein. Parfois, les Hilaliens se soumettaient entre eux aux impôts. Le gouvernement berbère en place utilisait souvent les Hilaliens comme "percepteurs d'impôts". Cependant, les Berbères étaient également utilisés pour cette tâche et pouvaient également subjuguer d'autres Berbères.
L'impôt comme moyen de contrôle
Quant à l'impôt ou au tribut, les Hilaliens imposaient souvent un tribut ou un "impôt" à des peuples d'une localité en échange d'une "protection illusoire". Si certains refusaient de payer cet impôt ou ce tribut, les chefs hilaliens lançaient contre ces localités un "ramas de vagabonds", ce qui était surtout une forme de brigandage, une capacité de nuisance contre les citadins ou les villageois. Et ceci, souvent avec l'accord, l'indifférence ou la complicité du gouvernement berbère en place.
Le choix de payer l'impôt
Certaines tribus payaient ce fameux tribut par condescendance bien qu'elles pouvaient combattre (nous le verrons plus tard). D'autres, car elles n'avaient tout simplement pas le choix.
L'évolution de la situation fiscale au Maghreb Central
Concernant les populations du Maghreb Central, elles ne resteraient pas indéfiniment sujettes aux impôts des Zoghba. Quelques décennies après Ibn Khaldoun, nous apprenons que diverses régions du Maghreb Central ne sont ni sujettes aux Rois, ni aux Zoghba.
Les Mesrata : une tribu Berbère Houara d'Ifriqiya
Un exemple plus frappant est celui des Mesrata, une tribu Berbère Houara d'Ifriqiya. Selon Ibn Khaldoun, cette tribu payait aux Hilaliens un impôt, faible, quasiment symbolique, par pure "condescendance".
Sur la frontière de cette province, du côté de Sort et de Barca, se tient une tribu hoouaride appelée les Mesrata. Nombreuse encore et très puissante, elle ne paie qu'une faible redevance aux Arabes, tribut qu'elle a l’air d'acquitter par condescendance. Comme elle s'occupa principalement du commerce, elle fait de fréquentes expéditions en Égypte et à Alexandrie.
Ibn Khaldoun (Histoire des Berbères : Tome I)
En effet, quelques décennies plus tard, cette tribu ne paye de redevance, d'impôt ou de tribut à personne. Plus tard encore, Marmol rapporte que cette tribu, riche, ne payait rien à personne et entrait en guerre avec les Arabes voisins.
Le fait que les Mesrata s'affranchissent de leur léger tribut, conservant puissance et richesses, mais laissant à leur sort leurs compatriotes Houaras tributaires, témoigne de cette "indépendance" qu'ont les tribus berbères les unes envers les autres dont parlait Al Yaqubi.
La théorie du "grand remplacement"
Pour clôturer ce sujet, il est nécessaire de parler de la théorie selon laquelle les Berbères auraient été remplacés ou supplantés par les Hilaliens suite à leurs invasions. Cet argument est irrecevable car il donne également aux Beni Ifren (tribu berbère) le nombre d'un million. En réalité, leur nombre est estimé aujourd'hui entre 100 000 et 300 000 individus.
Les conséquences des invasions hilaliennes
En réalité, cette théorie de "grand remplacement" des Berbères suite aux invasions hilaliennes est un pur mythe récent. Pas besoin de génétique, il suffit simplement de lire l'histoire.
L'état du Maghreb après les invasions
La région du Maghreb Occidental, du temps d'Ibn Khaldoun, donc bien après les invasions hilaliennes, est toujours majoritairement peuplée de Berbères Masmouda. La région du Maghreb Central quant à elle et toujours pendant la même époque, est majoritairement peuplée de Berbères Zénètes. La région de l’Ifriqiya, encore une fois du vivant d’Ibn Khaldoun, est toujours majoritairement peuplée de Berbères Houaras.
La plus grande partie des habitants du Maghreb-el- Acsa appartient à la tribu de Masmouda, les Sanhadja ne s'y trouvent qu'en petit nombre, mais dans les plaines d'Azghar, Tamesna, Tedla et Doukkala on rencontre des peuplades nomades, les unes berbères, les autres arabes.
Le Maghreb central, dont la majeure partie est maintenant habitée par les Zenata, avait appartenu aux Maghraoua et aux Beni-Ifren, tribus qui y demeuraient avec les Medìouna, les Maghila, les Koumia, les Matghara et les Matmata.
Les campagnes de l'Ifriqiya servent encore d'habitation à plusieurs autres populations nomades dont la majeure partie appartient aussi à la tribu de Hoouara.
Ibn Khaldoun (Histoire des Berbères : Tome I)
Globalement, le Maghreb est majoritairement peuplé de Berbères de la branche Sanhadja, qui représenteraient le tiers de la "race Berbère". Par conséquent, juste cette fraction est majoritaire au Maghreb.
Les Sanhadja, une des tribus berbères les plus considérables par leur nombre, ont continué, jusqu'à nos jours, à former la majeure partie de la population du Maghreb. Chaque montagne, chaque plaine de cette région renferme une peuplade sanhadjienne : c'en est au point que bien des personnes les regardent comme formant le tiers de toute la race berbère.
Ibn Khaldoun (Histoire des Berbères : Tome II)
Léon l’Africain, dans le premier volume de Description de l”Afrique, confirme également que les Sanhadjas sont la population la plus nombreuse du Maghreb, même s’il évoque plus tard leurs possibles origines himyarites.
Sachant que les Hilaliens ne sont majoritaires ni au Maghreb occidental, ni au Maghreb central, ni en Ifriqiya, on peut estimer que la population du Maghreb, dans son ensemble, était approximativement divisée comme suit : le tiers de la population étant Sanhadja, le reste se répartissant entre les autres tribus Berbères et les Hilaliens.
Ces données historiques sont en corrélation avec la génétique, science actuelle avec laquelle on comparera volontiers les sources anciennes.
Génétiquement, les Tunisiens présentent en majorité une ascendance paternelle d'origine Berbère selon un article de recherche scientifique.
En considérant les populations tunisiennes dans leur ensemble, la majorité de leurs haplogroupes paternels sont d'origine berbère autochtone (71,67 %), coexistant avec d'autres supposément en provenance du Moyen-Orient (18,35 %) et dans une moindre mesure d'Afrique subsaharienne (5,2 %), d'Europe (3,45 %) et d'Asie (1,33 %).
Elkamel, S., Marques, S.L., Alvarez, L. et al.
Les Berbères se mariaient avec des femmes hilaliennes, ce n'était pas proscrit. On trouve, par exemple, chez les Mérinides des femmes tant hilaliennes que chérifiennes. Ibn Khaldoun évoque que, déjà à son époque, les Arabes s'étaient mêlés de Berbères car ceux-ci formaient la masse de la population.
Quant à l'Ifrigiya et au Maghreb, les Arabes s'y sont mêlés, en fait de peuples étrangers, aux Berbères, parce que ceux-ci faisaient la masse de la population, il n'y avait, pour ainsi dire, ni ville ni peuplade où il ne se trouvât des Berbères, aussi le langage étranger y a-t-il pris le dessus sur la langue que parlaient les Arabes, et il s'est formé un nouvel idiome mixte, mais sur lequel le langage étranger a plus d'influence, par la raison que nous venons de dire, d'où il résulte que ce langage s'éloigne beaucoup de l'idiome primitif.
Ibn Khaldoun (Les Prolégomènes : Tome III)
L'arabisation du Maghreb
Malgré la majorité Berbère et berbérophone au Maghreb après ces invasions hilaliennes, une question demeure : pourquoi la majorité des Maghrébins parle-t-elle l'arabe aujourd'hui ?
Pour aborder ce sujet, prenons l'exemple de l'époque d'Ibn Khaldoun, où le Maghreb était majoritairement berbérophone, à l'exception des grandes villes.
Sur le continent africain, les Berbères forment la masse de la population, et leur langue est celle de toutes les parties du pays, à l'exception des grandes villes. Aussi la langue arabe s'y trouve submergée sous les flots de cet idiome barbare, de ce jargon parlé par les Berbères.
Ibn Khaldoun (Les Prolégomènes : Tome III)
Logiquement, la langue utilisée dans ces villes était l'arabe ou un bilinguisme arabe/berbère. Mais qui étaient les habitants de ces villes ? Ces grandes villes étaient également peuplées de Berbères, comme le montrent les exemples de Tanger, Salé, Azemmour, Anfa, Asfi et Tlemcen.
La Mer Environnante forme la limite occidentale du Maghreb, comme nous venons de le dire, et baigne un
rivage où s'élèvent plusieurs villes de ce pays. Tels sont Tanger, Salé, Azemmor, Anfa et Asfi, ainsi que
Mesdjid-Massa, Tagaost et Noul dans la province de Sous.
Toutes ces villes sont habitées par des Berbères.
Ibn Khaldoun (Histoire des Berbères : Tome I)
Les Hilaliens vont transmettre, dans un premier temps, leur langue aux Louatas, puis aux Houaras qui habitaient l'Ifriqiya. Par la suite, l'arabisation du Maghreb ne sera plus le fait unique des Hilaliens. Outre les villes probablement déjà arabisées, le reste du Maghreb sera à son tour arabisé par les Houaras, Louatas et Hilaliens.
Il faut également ajouter que l'arabisation linguistique du Maghreb n'est pas achevée.En partant du principe que le Maghreb compte environ 30% de berbérophones, en réalité ce sont environ 55% à 60% de Berbères qui sont passés à la langue arabe aujourd'hui.
Conclusion
Il est clair donc que le concept du "grand remplacement" des Hilaliens est un pur mythe, et un mythe récent qui plus est. Les Berbères constituent le peuple majoritaire au Maghreb, et il est indéniable que tout le monde dans cette région possède du sang berbère. L'arabisation du Maghreb s'est principalement limitée au domaine linguistique, et il est donc erroné d'affirmer qu'il n'y a pas d'Arabes au Maghreb. Les Arabes maghrébins sont une réalité historique, bien que mélangés aux Berbères, et il existe effectivement des descendants d'Arabes dans la région. Cependant, il convient de souligner que la majorité de la population est d'origine berbère.