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Les Banu Hilal, Banu Maqil et Banu Sulaym : Histoire de l'Implantation des Tribus Arabes au Maroc

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Introduction

L’introduction des premières tribus bédouines en Afrique du Nord s’est faite dans un contexte de guerre entre l’empire chiite Fatimide et les Zirides. Fondé en 909, le califat Fatimide s’établit grâce aux Berbères Kutamas depuis l’Ifriqiya. N’arrivant pas à unifier le Maghreb, ils s’installent en Égypte et fondent le Caire en 969.

Contexte

C’est au début du 8-ème siècle que les Banu Hilal et Banu Sulaym, deux tribus arabes originaires du Nejd et du Hedjaz et elles-mêmes subdivisées en plusieurs clans (dont les Athbedj, les Riyah et les Zoghba) rentrent en Égypte par le Sa'id. Durant la première moitié du 11-ème siècle les campagnes égyptiennes furent dévastées.

Les hilaliens, menés par Abu Zayd Al Hilali, s’orienteront vers le Maghreb en 1050. Cette migration est encouragée par les Fatimides qui voulaient punir leurs vassaux Zirides et leurs cousins Hammadides de s’être ralliés au califat Abbasside de Bagdad. Les Fatimides ayant remis des titres de propriété aux chefs de tribus arabes, leur avènement était donc, de leur point de vue, légitimé.

Du même coup, les Fatimides se débarrassaient de tribus particulièrement difficiles à contrôler de leur territoire de la Haute-Égypte. En effet, les Qarmates et autres parti-sans de l’Omeyyade Abu Qurrah manifestaient une certaine hostilité à l’égard de cet empire suscitant de multiples révoltes des Arabes au Moyen-Orient notamment donc des tribus hilaliennes. Les Zirides furent vaincus rapidement et leurs voisins Ham-madides et Zénètes furent fortement affaiblis.

La dernière bataille sera fatale, la coalition Hilaliens-Hammadides décapite le chef Abou Soda de l'armée composée des Ifrenides en 1058 : les Berbères livrent le pays aux Hilaliens.

Ibn Khaldun, contemporain de l’ère Mérinide, historien et démographe originaire de Tunis, ville témoin des premières progressions hilalienne au Maghreb décrit une mu-tation catastrophique de l’économie régionale, la transition d’une économie nomade à sédentaire puisque dans bien des régions de plaines, les cultivateurs abandonnè-rent aux envahisseurs. En 1057 Kairouan fut prise et pillée, la chute de Kairouan entraîna des conséquences considérables, car ses élites lettrées prirent le chemin de l'exil et allèrent se réfugier à Fès où fut créé le quartier des Kairouanais :

Semblables à une nuée de sauterelles, ils détruisaient tout sur leur passage [...] Si les Arabes ont besoin de pierres afin de caler leurs marmites sur un foyer, ils dégradent les murs des bâtiments afin de se les procurer ; s'il leur faut du bois pour en faire des piquets ou des mâts de tente, ils détruisent les toits des maisons. — Ibn Khaldoun, Al Muqadima, 1377

La migration hilalienne et son impact sur la société berbère vue par l’historiographie contemporaine :

Les nomades arabes ébranlent puis détruisent les royaumes Ziride (Tunisie) et Hammadide (Algérie orientale et centrale), pillent consciencieusement le plat pays, font fuir les sédentaires, accordent leur alliance, temporaire et souvent défaillante au moment critique, aux princes berbères qui, en échange, leur concèdent des territoires. Ceux-ci une fois mis en coupe réglée, les Banu Hilal tournent leurs regards vers d'autres horizons, vers d'autres « printemps » comme ils disent, où leurs troupeaux trouveront de nouveaux pâturages et les guerriers des villes à piller ou à rançonner durement [...] en moins de trois siècles, les Hilaliens font triompher leur genre de vie et réussissent, sans l'avoir désiré, à arabiser linguistiquement et culturellement la plus grande partie d'une Berbérie qui ne mérite plus son nom.
C'est une étrange et à vrai dire assez merveilleuse histoire que cette transformation ethno-sociolinguistique d'une population de plusieurs millions de Berbères par quelques dizaines de milliers de Bédouins [...] Les contingents nomades arabes, qui parlaient la langue sacrée et en tiraient un grand prestige auprès des musulmans, loin d'être absorbés par la masse berbère, servirent de modèles, l'attirèrent à eux. — Gabriel Camps, préhistorien français et spécialiste de l'histoire des Berbères basée à Alger, 1992 : 151-164

L'invasion hilalienne est à coup sûr l'événement le plus important de tout le Moyen Age maghrébin. C'est elle, bien plus que la conquête musulmane, qui a transformé le Maghreb pour des siècles. Avant les Hilaliens, ce pays, l'islam mis à part, était resté profondément berbère de langue et de coutumes ; il l'était redevenu sur le plan politique à mesure qu'il avait secoué l'autorité de l'Orient [...] Les Bédouins apportèrent avec eux leur langue, que l'on distingue facilement des dialectes citadins, legs des premiers conquérants musulmans. De cet Arabe bédouin, viennent la plupart des dialectes arabes ruraux parlés aujourd'hui en Afrique du Nord [...]. Avec eux, le nomadisme se fit envahissant, arrachant à la culture des céréales ou des vergers des terres qui étaient faites pour elle, ruinant par asphyxie villages et villes secondaires, ne laissant subsister qu'une mince frange agricole le long des côtes, autour des villes qui demeuraient ou à l'intérieur des massifs montagneux que le flot arabe contourna sans les pénétrer.

Toutes ces transformations, notons-le, furent lentes en général ; ce n'est pas de torrent impétueux qu'il faut parler, mais plutôt du flot implacable de la marée qui monte ; presque aucune bataille mémorable, aucun fait spectaculaire : une poussée régulière, presque douce, mais irrésistible. — Charles-Andrée Julien, historien, spécialiste de l'Afrique du Nord et enseignant à Rabat 1952 : 414-415

Certains chercheurs dénoncent une certaine instrumentalisation de cet évènement de la part des écrits occidentaux, mettant en abstraction le contexte politique et en lumière une écriture partiale concernant l’arrivée des Banu Hilal. Selon l’historien, M. Kadache, les gouvernants Zirides avaient eux-mêmes donnés des ordres de destruction de récoltes. Ibn Khaldoun étant très proche du pouvoir actuel, ne pouvait pas se permettre d’écrire sur le sujet en toute liberté de conscience.

Faire des Arabes des envahisseurs nuisibles n’était-ce pas une façon de légitimer la présence française ? L’antagonisme fondamental des Nomades et des Sédentaires, des Arabes et des Berbères ne correspond pas à la réalité historique. Il s’agit d’un mythe. Des historiens sérieux y ont cru, quand bien même les résultats de leurs recherches infirmaient cette théorie sur nombre de points essentiels. G. Marçais, un des meilleurs connaisseurs du problème des Arabes en Berbérie, y a souscrit dès la préface de son ouvrage, bien qu’il ait rassemblé une moisson de faits qui sont bien la preuve qu’il n’y a pas eu une véritable invasion. Ce mythe n’est pas le fruit du hasard. Il a été consciemment forgé, et inculqué dans le cadre de l’idéologie colonialiste. — Yves Lacoste, géographe et géopoliticologue originaire de Fès, « Ibn Khaldoun : Naissance de l’Histoire, passé du tiers monde », pp. 95-102

« Ibn Khaldoun, la référence incontournable de l’historiographie, a reconnu aux Hilaliens des qualités honorables passées par d’aucuns sous silences. Par exemple, l’alliance de chefs hilaliens avec des princes berbères dans une fidélité réciproque aux engagements. Les Athbedj passèrent un pacte avec les Hammadides et les Riyah avec les Zirides. Et ce que ne mentionne surtout pas la chronique coloniale, c’est l’attachement profond des descendants hilaliens (ex-colonisés) à leur geste. Une fidélité inaperçue. Elle fut même ressort puissant de la résistance à l’aliénation identitaire sous-tendue par le projet de civilisation des « sauvages ». — Youssef Nacib, Docteur des lettres et sciences humaines à la Sorbonne, professeur à l’Université d’Alger et l’Université de Tizi-Ouzou, Un geste en fragments, contribution à l’étude de la légende hilalienne dans les Hauts- Plateaux algériens », pp. 82-92
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L’ère Almohade

Le contexte historique au Maghreb

Premier calife d'un empire créé par des montagnards sédentaires Berbères originaires de la région de Tinmel, Abd al-Mumin ne pouvait qu’être hostile face à l’arrivée de Bédouins nomades dans l'Est du Maghreb.

S’ajoutent à cela les menaces du roi normand Roger II de Sicile qui saisit l'île de Djerba en 1134 où il imposa sa suzeraineté à Mahdia et menaça Bougie, le port le plus prospère du Maghreb oriental et zone d’évacuation des Hammadides. Roger II arrive à Tripoli en 1146 et s'installe ensuite à Gabès, Sfax et Sousse.

Fixés dans les ports, les conquérants normands se désintéressèrent de l'arrière-pays, mais monopolisèrent à leur profit le commerce maritime de la région. Pendant que ces évènements se déroulaient, les Banu Khazroun réussirent à se maintenir à Tripoli jusqu'à être chassés un an après par les Normands de Sicile.

L'intervention Almohade

Les dangers grandissants que faisaient peser les Bédouins sur ce qui restait des états Hammadides, ainsi que l'incursion normande, incitèrent les Almohades à intervenir.

Rassemblée à Salé en 1151, l'armée Almohade quitta les rives du Bouregreg et se dirigea vers le nord, faisant croire qu’elle partait en Andalousie. Abd al-Mumin se rendit même jusqu'à Sebta et ce n’est que plus tard qu'il dirigea sa troupe vers l'est.

Par Tlemcen, l'armée arriva à Alger où elle sera rejointe par al-Hassan Ben Ali (Ziride), chassé de Mahdia par les Normands. Les troupes Hammadides seront aisément défaites devant Bougie et les Almohades feront leur entrée dans la ville livrée aux flammes et au massacre. Abd al-Mumin règlera ainsi ses comptes avec les Hammadides de Bougie, ayant tenté de secourir les Almoravides lors de la bataille de Tlemcen en 1145 et qui avaient auparavant chassé Ibn Toumert de leur ville.

Abd al-Mumin renonça ensuite à marcher sur Kairouan puis repartit vers Marrakech après avoir nommé des gouverneurs et installé des garnisons dans les régions conquises.

La Bataille de Sétif

La bataille de Sétif est un évènement clé de l’installation des tribus arabes au Maroc. Il est important de noter qu’Abd al-Mumin, motivé bien avant cet épisode par l’expansionnisme de son califat, aspirait déjà à incorporer toutes les confédérations arabes aux élites politico-militaires de l’empire. Ce combat se déroulant en 1153 oppose l’armée Almohade et les tribus hilaliennes menacées par l’avancée du califat vers l’Est. Le calife Abd al-Mumin, qui venait de quitter la ville de Béjaïa, pour se rendre au cœur de l’empire, apprend qu’un grand nombre d’Arabes Hilaliens ont décidé d'avancer contre lui. Une armée d'environ 30000 cavaliers berbères Almohades se mirent alors en route afin de contrer cet assaut.

Roger II de Sicile.
Roger II de Sicile.

Roger II de Sicile, informé des ambitions hilalienne et dérangé par la présence en force des Almohades, propose à ces tribus une alliance militaire, chose que leurs émirs déclinèrent par principe islamique.

Les chroniqueurs surnomment donc ainsi la bataille de Sétif « la Bataille des femmes » puisque les émirs hilaliens ont préféré faire le choix de se battre aux côtés de leurs propres épouses que de s’allier à des mécréants contre d’autres musulmans.

Les hilaliens seront vaincus après trois jours de bataille. Abd al-Mumin décidera de ne pas refouler les arabes vers l'Est mais de les faire passer sous son service. Cette décision s'expliquait par son ambition de rassembler toutes les forces de l'Islam en vue de la guerre sainte qu'il avait l'intention de livrer aux chrétiens engagées dans la reconquête de la péninsule Ibérique.

Les tribus hilaliennes constitueront désormais l’armée des Almohades, fournissant leur service militaire en échange de la dispense du kharadj et de la reconnaissance de nombre d'avantages.

Abd al-Mumin donna ainsi la priorité au jihad tout en évitant une potentielle alliance entre les bédouins et les princes normands de Sicile, ces derniers étant habiles à jouer les divisions pour afin d’affaiblir le camp musulman.

Afin de faciliter leurs relations, Abd al-Mumin a employé des efforts diplomatiques démontrant un profond respect envers ses tribus. L’historien Ibn al-Khatir évoque dans son ouvrage l’implication politique de notables des tribus Athbedj, Addi, Zoghba, Qurrah et Riyah qui constituaient une assemblée chargée de la désignation du calife Almohade. Ces tribus nommeront à titre d’exemple le fils du calife Mohamed comme prince héritier de l’Empire.

Il réserva les femmes et les enfants, qu’il mit sous bonne garde et dont il confia le soin à des eunuques chargés de les surveiller et de pourvoir à leurs besoins. À son arrivée à Marrakech, il les installa dans de vastes demeures et leur attribua de larges pensions ; puis il fit écrire par son fils Mohammed aux émirs arabes que leurs femmes et leurs enfants étaient sous bonne garde, qu’il leur avait pardonné et les traitait généreusement. Alors ces émirs s’empressèrent de venir à Marrakech, où Abd el-Mumin leur rendit leurs familles, les traita bien et leur distribua de fortes sommes. Ces procédés lui concilièrent leurs cœurs, et ils s’installèrent auprès de lui. Il ne changea pas de manière de faire à leur égard. Et ce fut avec leur concours qu’il fit ce que nous dirons sous l’an 551 relativement à la désignation de Mohammed comme héritier présomptif. » — Ibn al-Athir, biographe et historien, contemporain de l’ère Almohade

Le début du rayonnement politico-militaire des tribus arabes à travers les siècles au Maroc

C’étaient donc les Almohades qui ouvrirent le Maroc aux Arabes. Jusqu’à la dissolution des guichs durant l’ère Alaouite avec le protectorat, les dynasties régnantes ont toujours cherché à mettre à profit leurs forces démographiques et militaires dans le cadre des croisades, des conquêtes et des batailles.

Jarmun ibn-Riyah.

L’intégration des tribus arabes dans l’élite militaire Almohade met en lumière des commandants charismatiques, notamment l’hilalien Jarmun ibn-Riyah qui s’est distingué durant sa victoire à la bataille d’Alarcos à la tête des moudjahidin arabes.

Les Banu Hilal formèrent donc une milice privilégiée dont les exploits seront évoqués même dans la poésie arabe au sein de l’empire Almohade.

Le chroniqueur Ibn Abi Zar al-Fassi racontedans « Raw al-Qirat » qu’il avait pour habitude durant ses excursions enAndalousie de réciter ces versets suivants afin d’encourager ses troupes :

« O Croyants ! Soyez patients, luttez depatience les uns avec les autres ; soyez fermes et craignez Dieu. Vous serezheureux.

O Croyants ! Si vous assistez Dieu dans saguerre contre les ennemis, il vous assis-tera et il affermira votre pas. »

La politique du recours aux tribus guich, initiée par les Almohades et poursuivie par les Mérinides, avait, pour sa part, contribué à l’occupation du Sais et des plaines atlantiques par des tribus arabes du Maghreb Central. D’autres tribus arabes s’étaient progressivement infiltrées par l’est et le sud-est. — Mouvances tribales et dynamiques socio politique
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L’ère Mérinide

La transition à l’ère Mérinide était marquée par une atmosphère de discorde. Plusieurs récits témoignent des massacres Mérinides envers des tribus Banu Hilal en raison de leurs soutien aux Almohades.

La composition tribale héritée des Almohades

En 1198, les tribus hilaliennes Sufyan et Khult, originaires du Maghreb Central, furent déplacées vers la région de Tamesna par le calife Almohade Yaqub al-Mansur et les Banu Jabir seront à leur tour installés dans la région de Tadla. Les Khult avaient acquis une grande importance politique en s'alliant aux Almohades.

Le Gharb sera peuplé par les Riyah pour s'opposer aux menées des Banu Ghania, les derniers prétendants de l'héritage Almoravide. Ils seront installés par le dernier calife Almohade, Abu Dabbus, dans la région de Marrakech.

Sous les Mérinides

Les Sufyan ont figuré parmi les soutiens les plus actifs des Almohades et ils demeurèrent hostiles aux Mérinides. Pour les contrôler, les Mérinides font appel à une autre tribu arabe du Maghreb central, les Banu Malik (branche des Zughba), qui seront installés en 1279 dans la Tamesna pour les surveiller.

Les Khult choisirent en revanche de soutenir la nouvelle dynastie. Ils quitteront la région de Tamesna au 14-ème siècle pour occuper le Gharb et ils disperseront ainsi les Riyah dont le nom de tribu n'apparaîtra plus dans les chroniques.

À la fin du siècle, les tribus Sufyan se retrouveront affaiblies et se disperseront dans le Gharb absorbant les Banu Malik parmi eux.

L’armée Mérinide

L'armée était principalement composée de contingents tribaux, certains provenant de tribus berbères Zenata du Maghreb et d'autres des Banu Hilal que les Almohades avaient importés.

Ces tribus participeront à plusieurs expéditions en Andalousie notamment à Séville en compagnie des Acem, Khlut et Athbedj des plaines atlantiques.

En 1285, d'autres raids ont lieu notamment en saison estivale avec la participation de cavaliers arabes Banu Jaber du Tadla ainsi que des raids victorieux sur les territoires chrétiens. L'historien al-Nasiri témoigne le courage des guerriers hilaliens de la confédération arabe des Jochem.

Par ailleurs, le calife Abu Yaqub an-Nasr établi environ 3000 guerriers berbères et arabes dans les frontières occidentales de l'Andalousie musulmane pour soutenir le Royaume Nasride de Grenade.

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L’ère Saadienne

Un renouveau du système du guich marocain (tribus militaires) se forme avec les sultans Saadiens au 16-ème siècle, durant le règne d'Ahmad al-Mansur. L'institution militaire sera principalement composée de tribus Banu Hilal et Banu Maqil parmi lesquelles les Oudaïas, Rahamna, Ouled Dlim et Ouled Jamâ. Elles recevaient en plus de l'exemption de l'impôt (sauf les impôts religieux), des concessions foncières sur des terres qui leur étaient dévolues.

Le Dar Jamâ & Jamâ Palace situés dans les villes de Meknès et Fès, sont d'anciennes possessions de la famille Jamâ construites au 19ème siècle.
A la mort du Sultan en 1894, en disgrâce du nouveau Sultan Abd El Aziz (1878-1943), deux membres de la famille Jamâ (le Grand Vizir et le Ministre de la Guerre) sont emprisonnés à Tétouan. La famille a été dispersée et ses biens confisqués.

La conquête du Maroc par les Saadiens s'appuya sur le guich d’Ahl Souss, qui comprenait principalement des Banu Maqil dont les composantes les plus fortes étaient celles des Shbanat et des Zlrara. Ces Maqil incorporèrent sous leur nom des éléments berbères comme les Tekna du nord du Sahara.

Les tribus du guich d’Ahl Souss occupèrent la région de Marrakech, Tadla puis la région de Fès. Certains de leurs éléments montés vers la région de Fès s'établirent sous de nouvelles dénominations dans des pays berbères du pré-Rif. Ils y constituèrent notamment un pays Hyayna et Ouled Jamâ où ils se mélangèrent aux populations berbères locales créant ainsi une nouvelle généalogie. Dans la région de Marrakech, les premières tribus du guich d’Ahl Sous furent, au milieu du 16-ème siècle, suivies par des composantes de toutes les tribus Dhwi Hassan du Sahara, les Ouled Dlim, les Rahamna, les Ahmar, les Ouled Bou Sbâ, les Sraghna et les Abda.

Toutes ces tribus Maqil ont donné leur nom aux territoires entre Oum Errabiâ et le Haut Atlas puis entre la région de Safi et la frontière ouest de Tadla (Rahamna, Ahmar, Abda, Skhana et tribus du guich de Marrakech). À l'aube du 16-ème siècle, les Oudaïas formeront avec leurs voisins Brabish et Ahmar en Mauritanie et à Oued Dahab le guich Saadien.

La fortune politique des Oudaïas est due au hasard qui fit naitre Moulay Ismail d'une mère Udaya. Cette parenté le détermina à faire de cette tribu l'un des pivots de son guich. On la retrouve, dès lors, dans tous les engagements militaires de la période Alaouite. C'était cependant une tribu peu disciplinée qu’on verra souvent du côté des prétendants qui contestaient le trône légitime. Leurs conflits avec la ville de Fès furent nombreux. Ce n'est qu'au 19-ème siècle, que cette tribu recevra l'ordre de se disperser dans diverses garnisons, dont celle, bien connue, de Rabat.

Les tribus arabes de cette ère contribueront à l’écrasante victoire marocaine à la Bataille des Trois Rois. Le chroniqueur Abou El Kacem Zayani comptabilise 10000 hommes du guich arabo-zenete des Cheraga, 5000 Arabes du Gharb, et 5000 Arabes du Haouz sur 50000 hommes. La confédération hilalienne des Hyayna située au Nord de Fès s’est également illustrée par sa férocité dans sa participation à Oued El Leben contre l’empire Ottoman et la Bataille des Trois Rois contre l’empire du Portugal.

En 1582, le sultan Saadien Ahmad al-Mansur conquit la région de Touat (l’Adrar algérien) grâce aux généraux Ahmad ibn Barkah et Ahmad ibn Haddad al-Ghamiri al-Maqili, de la tribu arabe des Banu Maqil.

Nomades de la confédération tribale des 'Arīb à M'hamid Al-Ghozlan (qsar Saadien), années 60.

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L’ère Alaouite

Comme sous la plupart des dynasties précédentes, les tribus guiches étaient exemptées d'impôts, étaient souvent récompensées et se voyaient octroyer des terres en échange de leurs contingents.

Au moment où les révoltent furent apaisées sous le règne de Moulay Ismail, l'armée chérifienne n'était désormais composée dans sa majorité que de soldats issus du Sahara et des zones frontalières de l'Empire, à savoir le Tafilalet, Souss, le Sahara occidental et la Mauritanie d'où était originaire Lalla Khnata Bent Bekkar, une des quatre femmes officielles de Moulai Ismail. Les Banu Maqil qui habitaient en grand nombre ces terres représentaient donc les premiers et principaux contingents des Alaouites.

Les tribus arabes hilaliennes Khult et Cherarda étaient également utilisées et désignées comme tribu makhzen, fournissant plusieurs de leurs contingents à l'armée chérifienne.

Les réformes de Moulay Ismail et le système des Reha

Moulay Ismaïl crée ensuite le guich des Oudaïas. Celui-ci se divise en trois « Reha ». Il faut le distinguer de la tribu des Oudaïas en elle-même.

Ahl Souss

Le Reha des Ahl Souss est composé de quatre tribus arabes Maqil de la même région, à savoir les Oulad Jerrar, Oulad Mtâa, Zirara et les Chebânatea. Ces tribus avaient constitué au 16-ème siècle l’armée Saadienne contre les Arabes Jochem du Gharb, faisant partie des Banu Hilal que sont les Khlut, et Sufyan qui soutenaient les Mérinides de Fès.

Les Mghafra

Les Mghafra sont des Banu Maqil originaires de Mauritanie, d'où vient l’épouse de Moulay Ismail Lalla Khnata Ben Bekkar.

Les Oudaïas

Les Oudaïas sont une puissante tribu du désert originaire de l'Adrar, dotée d'une forte cavalerie chamelière. Nomades récemment remontés vers le Nord, ils se trouvaient dans le Souss lorsque Moulay Ismaïl pris Marrakech en 1674. Le souverain compati avec un pauvre berger également d'origine Maqil du nom de Bou-Chefra dont le peuple a dû fuir le désert à cause de la sécheresse en réunissant tout son peuple pour créer une armée d'élite.

Vers l'ère moderne

Rappelons que pendant l’ère Saadienne, les Khult constituèrent l'une des plus grandes tribus du Gharb. Fidèles à l'héritage Saadien, ils s'opposèrent à l'émergence des Alaouites. On les voit ainsi s'allier avec leurs confédérés Tliq à Ghailan, le « prince du Nord », contre Moulay er-Rachid. Cette hostilité ne faiblit pas et on les voit plus tard s'allier à el-Mostadhi et à er-Rifi contre Moulay Abdallah.

Ils finiront enfin par se ranger aux côtés de la dynastie au début du 19-ème siècle, et ils seront installés en 1852 par Moulay Abderrahman dans la région de Fès et Meknès pour surveiller les tribus arabes arrivées d'Algérie au 18-ème.

Les Khult et des Tliq perdront petit à petit leur prépondérance dans le Gharb et seront progressivement repoussés dans le Habt par les Banu Malik et les Sufyan. C'est dans cette région qu'on les retrouve au 20-ème siècle.

Dans la seconde partie du XIX° siècle, les Banu Malik et les Sufyan sont eux-mêmes repoussés par les Maqil Banu Hassan qui les confinent au nord du Sebou où ils se trouvent aujourd'hui.

La dernière tentative des Banu Hassan pour franchir le Sebou a été stoppée en 1912 par les troupes françaises. Des composantes disparates des tribus hilaliennes demeurèrent dans la Chaouia et Doukkala, deux dénominations de l'ancienne Tamesna. On en retrouve la trace dans quelques ethnonymes de tribu ou de fraction. C'est ainsi que la tribu actuelle des Ouled Ziyan porte le nom d'une fraction des Banu Malik. Les Ouled Hariz ont un ethnonyme qui les rattache aux Jusham Ouled Jabir.

Des photos de la Kasbah des Oudayas

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Le renforcement de la composante arabo-berbère sous le système du Guich

L’implantation des tribus bédouines a exercé une influence linguistique et culturelle significative dans les zones rurales, contrairement à l’arabisation dite « post-Omeyyade » qui a surtout affecté les zones urbaines et élitistes (Tétouan, Meknès, Tanger, Chefchaouen et Fès principalement). Cette diffusion massive des parler bédouins est expliquée par le poids du prestige des tribus militaires dans la société ainsi que le fait que les Berbères considéraient la langue arabe comme importante étant un vecteur de la diffusion de l’Islam.

Par ailleurs, les nomades berbères furent les premiers à adopter la langue notamment ceux du groupe Zénète, alors que les Sanhadja du Sud et les Touaregs, trop lointains, ne subirent pas la même influence. En outre, l’arrivée de ces tribus bédouines changea la physionomie d’une partie de la Libye et de tout le Maghreb, qui jusque-là berbères, devinrent peu à peu arabo-berbère.

Uns des plus grands phénomènes culturels issue de cette fusion là est le développement de l’art équestre de la tbourida (ou fantasia), très populaire dans les campagnes du Maroc.

Chaque tribu du pays compte une ou plusieurs troupes de Tbourida avec une concentration plus significative dans les régions de Tadla, Doukkala, Abda, Bni-Amir, Charqaoua, Lahmar, Rahamna, Beni Ouarayn, Zemmour, Zair, Zayane et Beni Znassen.

Il existe cinq types de Tbourida : Hayaynia dans la région de Fès-Meknès, Chekaouia dans la région de Beni-Mellal-Khenifra, Khayatia dans le Grand Casablanca; Nassiria dans la région de Doukkala-Abda; et Sahraouia dans le Maroc Saharien.

On dénombre près d’un millier de troupes dans tout le Maroc. Elles réalisent des spectacles pour animer les Moussems (festivals saisonniers). Parmi elles, 330 participent officiellement à un championnat national annuel, composé de concours régionaux, inter-régionaux et d’une finale nationale. Par ailleurs, la Tbourida est à l’origine du développement du marché des chevaux de races Barbes et Arabo-Barbes, qui représentent 80 % du cheptel marocain. La Tbourida est le débouché principal de cette production équine.

Bien que ces tribus arabes aient réussi à imposer leur langue et à la diffuser, souvent mélangées à des populations berbères locales, elles ont aussi naturellement adopté des éléments culturels berbères résultant un fusionnement qui s’est consolidé à travers les siècles sous le poids des guiches.

Une carte interactive pour savoir où se trouvent les différentes tribus du Maroc :

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Références :

Benabdallah, 1994: 37-38

Mouvances tribales et dynamiques sociopolitiques des territoires, Université Moha-med V, Rabat

Comment la Berbérie est devenue le Maghrebarabe, Gabriel Camps

Al Muqaddima, Ibn Khaldoun

Une geste en fragments, contribution à l’étudede la légende hilalienne dans les Hauts- Plateaux algériens, Youcef Nacib

Ibn Khaldoun : Naissance de l’Histoire, passédu tiers monde,  Yves Lacoste